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Stabiliser plutôt qu'améliorer?

Les comportements problématiques chez les personnes polyhandicapées peuvent parfois s’installer dans le temps et devenir chroniques. Dans ces situations, il est pertinent de se demander si l’objectif doit être l’amélioration immédiate ou plutôt la stabilisation. Pour plusieurs intervenants, cette idée peut sembler inhabituelle, surtout lorsqu’ils sont habitués à travailler auprès de clientèles plus proches de la neurotypie, ou dans des contextes où les comportements entraînent beaucoup de détresse ou de risques. On est alors habitué à avoir de la pression pour "régler" le problème au plus vite, ce qui peut aussi amener son lot d'enjeux.

Viser la stabilisation permet cependant de changer de perspective. Pour une équipe déjà fatiguée par des interventions intensives, il peut être plus réaliste et plus aidant de chercher à maintenir un certain équilibre ou à prévenir une aggravation, plutôt que de viser une transformation complète. Cela allège la pression ressentie et redonne un sentiment de contrôle sur la situation.

La stabilisation peut aussi être une stratégie temporaire, lorsqu’on sait que des changements à venir auront probablement un effet positif, comme l’arrivée d’un nouvel équipement, un déménagement de classe ou une nouvelle approche pédagogique. Dans ces cas, l’objectif est surtout de prévenir une détérioration pendant cette période d’attente. Par exemple, si un élève manifeste de l’agitation en raison d’un inconfort postural et qu’un fauteuil adapté est en commande, l’équipe peut miser sur des solutions temporaires pour réduire l’inconfort et limiter les comportements, plutôt que de mettre en place un plan lourd et exigeant qui devra être repris une fois l’équipement installé.

Dans le domaine du polyhandicap, viser la stabilisation n’est d’ailleurs pas exceptionnel. Que ce soit sur le plan éducatif, moteur, médical ou comportemental, la stabilité est souvent un objectif légitime, particulièrement à l’adolescence et au début de l’âge adulte, où les pertes d’acquis, les plateaux au niveau de l'adaptation ou les maladies dégénératives sont fréquentes. Dans ce contexte, maintenir un équilibre peut être plus réaliste – et plus bénéfique pour la qualité de vie – que de viser une amélioration constante. Des suivis sur plusieurs mois peuvent aussi montrer une lente progression des difficultés. Dans ce cas, le premier objectif devrait être de cibler ce qui peut être ajusté dans l’environnement afin de maintenir une stabilité, car celle-ci devient la base nécessaire avant d’espérer des améliorations.

Dans cette optique, viser la stabilisation n’est pas un renoncement, mais une stratégie pertinente et parfois prioritaire. Elle permet d’assurer un équilibre, de réduire la charge sur l’équipe et de préparer le terrain à de futures améliorations, tout en évitant que des comportements difficiles ne s’installent de manière durable.